Bernard Vasseur
Bernard Vasseur
Bernard Vasseur
Philosophe
Directeur de la Maison Elsa Triolet et Louis Aragon
à Saint Arnoult-en-Yvelines, France
Texte lu lors du dernier hommage rendu à Malou Kijno, le vendredi 13 mars 2020 à Paris :
Il m’arrive souvent de repenser à ces déjeuners de Saint-Germain au cours desquels, avec Malou et avec Lad, nous parlions philo jusqu’à une heure avancée de l’après-midi. Et je songe à une formule de Nietzsche qui les avaient tous les deux réunis dans une profonde songerie. C’est celle-ci : « Il faut savoir quitter la vie comme Ulysse quitta Nausicaa : en la bénissant et non amoureux d’elle ». Et il n’est pas très étrange que je me remémore ce moment et vous le confie devant le cercueil de Malou tant elle a eu beaucoup d’occasions de bénir sa vie, une vie qui pour elle ne comptait pas tant seulement par son abondance ou sa quantité, que parce qu’elle était intense en qualité, en plénitude, en joie et en bonheur. C’est cette pensée de la qualité, de l’intensité du moment, de la saveur d’une « vraie vie » qui fondait l’amour de Lad et de Malou pour les poètes. Après tout, c’est bien Aragon qui écrivait : « Heureux celui qui se jette au bout de lui-même ». Et la formule est évidemment aussi vraie au féminin. Car Malou avait le goût de l’absolu : celui qui vous tient, qui vous conduit à dépasser vos limites et à vouloir à toute force mettre de l’infini dans le fini.
Avec Malou, c’est une très chère et tendre amie de la maison Elsa Triolet-Aragon qui nous a quittés. Elle était bien sûr et chacun le sait ici l’épouse inséparable de Lad, c’est-à-dire, pour nous, du premier peintre dont nous avons exposé les œuvres dans la Maison des deux écrivains, au Moulin de Saint-Arnoult en 2002. Et cette rencontre si formidablement productive et puissante en énergie créatrice fut pour nous inoubliable, au point qu’elle s’était comme naturellement perpétuée au fil du temps pour eux deux, qui aimaient y revenir. Et c’est ainsi que nous désignons communément, tant cela nous semble une évidence qui va de soi, l’une des salles de la maison du nom de « salle Kijno » et que nous continuons à le faire comme si le temps n’avait aucune prise sur le tissu d’amitié qui s’était tissé là en ces jours heureux où ils nous rendaient visite tous les deux. Mais, comme Elsa Triolet, Malou la discrète n’était pas que « l’épouse de… ». Elle était également une femme d’une belle élégance de cœur, d’une grande culture, d’une forte personnalité toute de douceur et d’une vraie gentillesse. Elle avait tissé avec le lieu et les équipes qui le font vivre des relations intenses d’affection. Lors de l’inondation du site, elle nous avait généreusement offert des œuvres de Lad pour nous venir en aide. Le grand âge venu, elle s’informait toujours avec bonheur et une passion intacte de nos initiatives qu’elle encourageait.
Et il est vrai que j’aimais beaucoup la douceur de sa voix et la finesse de son esprit quand, au téléphone, elle ne se plaignait jamais et me disait ses gaîtés, ses enthousiasmes et sa volonté de se battre pour faire connaître et montrer l’œuvre de Lad. Pour souligner sa détermination, il lui arrivait de me dire : « Tu sais Bernard que la pierre dont sont faites les bretonnes, c’est le granit ». Et je revois ses sourires de satisfaction lors de cette grande rétrospective de Saint-Germain ou encore lors de l’édition du si beau livre de Jean Grenier Les Iles telle que Lad l’avait prolongée et illuminée de ses dessins.
Nous sommes tristes aujourd’hui d’avoir perdu une amie si proche et si fidèle. Mais nous sommes aussi heureux de l’avoir connue et qu’elle nous ait fait don de son estime et de son amitié. Avec ma femme Sylvie, avec toutes les équipes du Moulin d’Elsa et Aragon, nous sommes heureux de l’avoir croisée et nous lui disons merci de nous avoir réservé une part de son amour de vivre et de sa généreuse affection. Malou prend ainsi place dans notre souvenir au côté de « son Lad » qu’elle aimait tant et tous deux continuent inséparablement de nous parler de l’amour de la vie et de la beauté des choses.
C’est un autre philosophe, Auguste Comte, qui disait : « le vrai tombeau des morts, c’est le cœur des vivants ». Eh bien, Malou, je sèche mes larmes pour t’embrasser une dernière fois et t’assurer que nous tous ici, nous t’aimons et que tu restes bien vivante avec nous et dans tous les battements de nos cœurs.
Texte lu lors du dernier hommage rendu à Malou Kijno, le vendredi 13 mars 2020 à Paris, au nom de la Maison Elsa Triolet-Louis Aragon :
Une très chère et tendre amie de la maison Elsa Triolet-Aragon vient de nous quitter, Malou Kijno. Elle était l’épouse inséparable du premier peintre dont nous avons exposé les œuvres au Moulin de Saint-Arnoult en 2002, Ladislas Kijno. Mais elle était également une femme d’une belle élégance de cœur, d’une grande culture et d’une vraie gentillesse. Elle avait tissé avec le lieu et les équipes qui le font vivre des relations intenses d’affection. Lors de l’inondation du site, elle nous avait généreusement offert des œuvres de Lad pour nous venir en aide. Le grand âge venu, elle s’informait toujours avec bonheur et une passion intacte de nos initiatives qu’elle encourageait.
Nous somme tristes aujourd’hui d’avoir perdu une amie si proche et si fidèle. Mais nous sommes aussi heureux de l’avoir connue et qu’elle nous ait fait don de son estime et de son amitié. Elle prend ainsi place dans notre souvenir au côté de « son Lad » qu’elle aimait tant et tous deux continuent inséparablement de nous parler de l’amour de la vie et de la beauté des choses. Après tout, disait la philosophe Auguste Comte, « le vrai tombeau des morts, c’est le cœur des vivants ».