Cabanne Pierre
Cabanne Pierre
Pierre Cabanne
Ecrivain, critique d’art
Dans Cimaises, Avril-Mai, 1991
(…) Ce temps ralenti dont Kijno éprouvait le besoin, car il était son véritable «ailleurs», il l’a concrétisé dans les toiles, ou les techniques mixtes, en donnant aux rapports entre ses formes-mères, les«blasons», et les taches, les rythmes, les empreintes, les scarifications, un autre espace, une autre couleur. L’espace de la méditation, de l’immobilité, de l’attente: la couleur non plus flamboyante mais maîtrisée, où sur les blasons noirs frontaux se juxtaposent où se côtoient les mauves, les ocres, les rouges éteints, les bleus adoucis à partir desquels les harmonies se développent par strates. Des niveaux de sensibilité plus construits (…)
À propos des séjours de Kijno à Tahiti
Kijno sait et dit que ses séjours à Tahiti l’ont transformé.
Il parle de «révélations». A première vue ses œuvres récentes toutes exécutées en Polynésie, se situent bien dans la continuité d’une recherche en profondeur des forces agissantes du monde à partir de formes simples et de rythmes qui en délivrent les oppositions, les mutations, les désarrois. Mais Kijno, homme et peintre en mouvement, ne serait pas lui-même si cette continuité n’était pas également ouverture. Tahiti lui a apporté non des certitudes, mais les interrogations qu’il attendait.
N’a-t-il pas passé sa vie à cela? Ses voyages en Afrique, en Océanie, en Chine et au Japon, n’ont que quêtes; or pour Kijno la quête n’est pas seulement
l’accompagnement d’un discours, elle est intrusion et questionnement. Dans un temps où – et ce fut leçon de l’Extrême-Orient – le geste cesse de se déployer mais s’intériorise, se love dans l’esprit et où à l’exubérance baroque se substitue la sérénité de la contemplation.
A Tahiti Kijno a découvert que ce temps-là ne résultait pas d’une vue superficielle du monde mais de l’approche lente et presque solennelle des choses, une sorte de célébration.
Elle fait de la peinture un rituel.
Source: catalogue de la rétrospective Kijno au Musée Russe d’Etat Russe de Saint-Pétersbourg, 2006, Palace Editions